Un Fort du système de défense Séré de Rivières

Construit en deux années seulement, de 1878 à 1880, le Fort de Mons-en-Barœul fait partie du système de défense élaboré par le général Séré de Rivières suite à la défaite de 1870. Devenu inutile suite à la mise au point de nouveaux explosifs 5 ans seulement après sa réalisation, il sera toutefois le siège d'unités de transmission, dont la plus étonnante sera celle d'une section colombophile avant de servir durant la guerre d'Indochine. Entre temps il aura connu des périodes d'occupation allemande à chacune des deux guerres mondiales, après avoir été déclassé 48 heures avant la déclaration de la première ! Resté intact, car non bétonné comme beaucoup d'autres fortifications, et magnifiquement remis en valeur avec un centre socio-culturel, c'est un exemple unique qui présente un intérêt architectural, historique et patrimonial exceptionnel.

Récentes découvertes




Fin 2006, à l'occasion des travaux de rénovation de la cour centrale, dite cour des casernes, nous avons eu l'opportunité de faire quelques recherches et découvertes.

C'est ainsi qu'on pu être mis à jour les ouvertures des deux puits. Ceux-ci sont désormais marqué d'une croix sur les pavés qui les recouvrent.

Des carreaux en céramique de Jurbise qui recouvraient les anciens trottoirs d'origine ont été sauvegardés. Et l'étonnement fut de ne retrouver qu'un seul pavé de l'ancien revêtement. Sans doute ce pavage a été récupéré par l'armée allemande lors de son occupation du Fort en 1940, époque à laquelle furent mises en place des dalles de béton.

Une autre pièce intéressante est l'extraction d'une des deux très grosses pierres qui maintenaient les battants de la porte d'entrée.

Tous ces éléments ont pu être montrés lors d'une visite particulière du Fort (photo ci-contre de la Voix du Nord du 1er octobre 2006).

Ci-dessous la cour centrale, à gauche avant la rénovation de 2006 et à droite après les travaux.



Découvertes effectuées à l'occasion des fouilles lors de la réfection de la cour des casernes.

L’existence d’un trottoir peut être affirmée avec certitude.

Plusieurs recoupements permettaient de le soupçonner, ainsi que l’avait signifié Jean-François Pernot, maître de conférences au Collège de France, spécialiste renommé des fortifications, qui était venu le 3 juillet 1998, visiter le Fort de Mons, à l’occasion d’une conférence à Lille. Des photographies montraient d’ailleurs ce trottoir avant la réfection de 1983. La confirmation a été obtenue que le pourtour était bien réalisé en carreaux de céramique de Jurbise 142/142, avec une bordure en grès, comme le suggérait Julien Dépret, spécialiste de la fortification qui était venu à plusieurs reprises. De nombreux carreaux ont pu être récupérés, évitant leur disparition dans les bennes de déblais. Plusieurs sont intacts avec l'inscription bien visible de la fabrique belge.

Il s’agissait en fait de trottoirs surélevés avec des interruptions au niveau des trois passages. Lors des travaux dans la cour d'accès des éléments de trottoirs encore en place ont pu être photographiés avant leur démolition.

Ci-dessous quelques carreaux de Jurbise qui ont pu être récupérés et qui constituaient le revêtement des trottoirs. L'inscription de cette ville de Belgique est bien visible en relief au dos ce ces carreaux.




Ci-dessous plusieurs exemples de trottoirs et de pavage dans les forts Séré de Rivières.

De haut en bas et de gauche à droite :

1) La cour des casernes du fort de Seclin, presque un clone du Fort de Mons-en-Barœul, où l'on voit bien le pavage de la cour centrale et des trottoirs.

2) La batterie de la Crèche à Boulogne qui a été construite en 1879. Le dallage de la cour a été remplacé avant la 2ème guerre mondiale. Il y avait auparavant des pavés. Les trottoirs du fort de Boulogne sont réalisés en carreaux de Jurbise avec une pose en diagonale. Il existe plusieurs endroits où l'on trouve ce découpage, comme nous le confirme Julien Depret. La céramique provient de différents endroits en fonction des sites de fabrication. Il y avait de nombreuses briqueteries sur Lille mais pas de céramique. Il faut en effet passer la frontière pour en trouver. Il s'agit généralement de carreaux 15x15 ou 30x30.

3) Le fort du Vert Galant dit ouvrage « Carnot » qui est un domaine militaire inaccessible. Sur ce cliché, pris à l’époque de l’occupation allemande, qui figure sur la couverture du livre de Julien Depret : « Le Nord frontière militaire - Tome 1 - L’organisation défensive de Dunkerque à Longwy 1874-1914 », on voit nettement le pavage de la cour avec le trottoir. Le trottoir est réalisé en carreaux de Jurbise, qui sont posés dans le sens de la longueur.

4) La cour du Fort de Mons-en-Barœul lors de son rachat par la municipalité, la cour centrale a été recouverte de dalles en béton au moment de l'occupation allemande, mais les trottoirs existent encore. Ils seront supprimés avec la restauration de effectuée par Gérard David.





Le pavage de la cour centrale.

L'annotation dans le plan de 1880, note que cet espace central était pavé avec des pierres de 0,16 à 0,18. Notre surprise fut de ne retrouver qu'un seul pavé (photo ci-dessous à gauche). Il a été mis à jour à 80 cm de profondeur dans le couloir situé entre la cour des casernes et la cour sud. Il était au contact de la couche d'argile et sous les deux épaisseurs de béton, la plus en surface coulée lors de la rénovation et la plus profonde mise en place par les allemands lors de leur occupation du Fort en 1940. C'est d'ailleurs avec beaucoup de chance au moment ou une pelleteuse creusait une tranchée destinée à l'enfouissement du tuyau de gaz nécessaire pour la chaufferie qu'il a pu être remonté (photo ci-dessous à droite). Nous ne possédons actuellement aucun document authentique pouvant affirmer que le pavage, s’il a été projeté, avait bien été posé. C'était donc important de trouver cet unique pavé. L'hypothèse reste que les pavés ont été enlevés lors de l'occupation allemande en 1940 avant la pose des dalles bétonnées. C'est d'ailleurs ce qui s'est produit dans d'autres forts à la même époque.



La mise à jour des deux puits.

Leurs emplacements est désormais repérable par une croix gravée sur le nouveau pavage. A signaler que ce nouveau pavage a été réalisé en pierre bleue de Belgique, clin d'œil aux anciens matériaux employés. 

Ces puits avaient été bouchés à une profondeur de 5 barreaux par une dalle en béton qui ne laisse passer que deux tuyaux (photos ci-dessous). Cette transformation a sans doute eu lieu en même temps que la pose des dalles par l'armée allemande lors de son occupation du fort à partir de 1940. Il s'agissait sans doute d'un système fonctionnant à l'air comprimé envoyé par le premier tuyau et faisant remonter l'eau par le second tuyau. Des morceaux de bois sur le pourtour, permettant l'arrivée de l'eau dans les puits par capillarité, étaient encore visibles. La margelle des puits réalisée en briques en pose dégradée a pu être photographiée avant sa destruction (photo du puits nord).


Ci-dessus la margelle du puits nord avant sa destruction et le puits avec sa dalle bétonnée au fond.
Ci-dessous le couvercle en fonte inclus dans la dalle bétonnée des allemands et sa face inférieure après dégagement.



Dans la cour d'accès, au niveau de la porte du corps de garde plusieurs éléments ont été sauvegardés, dont à nouveau des carreaux de Jurbise et surtout une très grosse pierre percée qui soutenanait un des battant de cette porte. Le mécanisme de butée centrale a pu être photographié avant d'être enfoui dans le nouveau revêtement. De même que les rails du fonctionnement du pont basculant (photos ci-dessous).




Ci-dessous, la pierre qui maintenait dans le sol l'axe du battant droit de la porte intermédiaire, au moment de son dégagement.



Ci-dessous, la pièce métallique incluse dans le sol, qui bloquait les deux battants de la porte intermédiaire, a été laissée en place et recouverte par le nouveau revêtement.



La porte intermédiaire telle qu'on peut la voir actuellement. C'est à cet emplacement que furent trouvées les fixations.
D'une part sur la droite de la photo l'énorme pierre qui tenait le battant.
Cette pierre, très lourde, a été récupérée (en évitant son départ pour une décharge !) et amenée devant le local de l'association historique.
Au centre, la fixation de la fermeture des battants, est restée incluse dans le sol. Elle est maintenant recouverte par le nouveau pavage.
Sur la gauche de la photo, derrière la porte d'entrée, se trouve maintenant un café le "Trait d'union" à la place de l'ancienne salle de garde.


Ci-dessous les pierres bleues de Belgique utilisées pour le nouveau pavage de la cour centrale et des cours latérales lors de la réfection, en octobre 2006, avec la réalisation de trottoirs comme à l'origine.