Un Fort du système de défense Séré de Rivières

Construit en deux années seulement, de 1878 à 1880, le Fort de Mons-en-Barœul fait partie du système de défense élaboré par le général Séré de Rivières suite à la défaite de 1870. Devenu inutile suite à la mise au point de nouveaux explosifs 5 ans seulement après sa réalisation, il sera toutefois le siège d'unités de transmission, dont la plus étonnante sera celle d'une section colombophile avant de servir durant la guerre d'Indochine. Entre temps il aura connu des périodes d'occupation allemande à chacune des deux guerres mondiales, après avoir été déclassé 48 heures avant la déclaration de la première ! Resté intact, car non bétonné comme beaucoup d'autres fortifications, et magnifiquement remis en valeur avec un centre socio-culturel, c'est un exemple unique qui présente un intérêt architectural, historique et patrimonial exceptionnel.

Petits fortins


De chaque côté du pentagone, que constitue l'emprise du fort, il y avait deux avancées qui ont été détruites. Il s'agit de batteries dites annexes.

Ces deux avancées, visibles sur les plans ci-dessous, étaient connues localement sous l'appellation de petits forts ou petits fortins. Les dénominations antennes ou satellites, quelquefois usitées, ne sont guère plus appropriées par l'usage militaire, même si ces appellations plus imagées sont explicites.




Le petit fortin nord, qui avait été enfoui sous un monticule de terre pour le préserver, a  connu la réalisation de logements à son emplacement. Nous avons pu auparavant faire intervenir l'Inrap qui a eu une très brève période pour procéder à quelques fouilles. Le temps de mettre à jour la briqueterie qui avait servie à la construction du fort.

La batterie annexe sud avait connu le même sort antérieurement.

Fouilles


Sur cette photo, prise le lundi 13 décembre 2010, la pelleteuse chargée du terrassement a mis à jour une quantité considérable de briques (1). Il pourrait s'agir du lieu non encore identifié avec précision qui serait celui de l'ancienne briqueterie. Nous savons qu'il y a eu plusieurs briqueteries dans cette zone, dont une installée tout spécialement pour la fabrication des 3 millions de briques nécessaires à la construction du Fort de Mons-en-Barœul. En (2) la butte qui protégeait ce que les anciens appelaient le petit fort, est qui est en fait une des deux batteries annexes. Un souterrain pourrait réunir cette structure au fort lui-même. En (3) la ligne des peupliers où sont présentes de nombreuses bornes de servitudes.



La zone qui voit actuellement surgir de nouvelles constructions se situe à proximité du cimetière. Il s'agit de la partie septentrionale de ce qui est la plaine du Fort. C'est dans ce magnifique espace vierge, le plus grand encore existant à Mons,  qu'avaient été découvert des vestiges gaulois (huttes, pieux, poteries) à proximité d'une zone marécageuse. Si d'autres travaux sont prévus dans ce lieu il est très probable que d'autres découvertes feront surface. Il faudra donc être très vigilant.

Disparition

Malgré nos interventions, le petit fortin n'est plus. Nous pouvons vous montrer ses derniers instants grâce à une vue aérienne. Bizarrement on a préféré cacher derrière une palissade de 4 mètres de hauteur le travail des engins de chantier. Pourquoi cet acharnement à quelques jours des Journées du Patrimoine ? Nous avons toujours été étonné de voir les consciences collectives se réveiller quand il est trop tard. Il est dommage une fois de plus que les monsois se voient privés d'une partie de leur histoire. 

La voie des airs, en l'occurrence celle de la montgolfière, nous permet de vous montrer ce que l'on cherche à nous cacher. 

Les deux photographies ci-dessous ont été prises, à 20h30, au dessus du Fort de Mons-en-Barœul, le 9 août 2011, à 1 500 pieds (soit environ 500 mètres d'altitude).


Sur ces deux clichés on découvre les contours du fort  et de ses fossés. Le jardin de Thalie et la salle des fêtes sont bien repérables, de même que la tour hertzienne et la chaufferie, évidemment vues de façon surprenante à cette hauteur. Le petit fortin et l'ancienne briqueterie qui a servi à la construction du fort étaient au milieu des palissades. Il n'en reste plus rien ... qu'un souvenir !


Un gros plan sur le chantier en cours, grâce à ces photographies en haute définition, nous permet de discerner ce qui semble correspondre à l'entrée d'un tunnel, là où l'excavatrice a dégagé un énorme trou, faisant disparaître, à tout jamais, toute trace de l'ancien petit fort.



La tranchée n° 7 effectuée par la pelleteuse a permis de remettre à jour des vestiges de la batterie annexe nord. Ces fouilles préventives effectuées par l'Inrap sont restées assez sommaires faute d'intérêt pour une période qualifiée de récente ... mais qui deviendra forcément un jour un passé important !

Un témoignage

Merci à Monsieur Beulque qui nous adresse ce témoignage, qu'il nous a autorisé à publier.

Comme tous les vieux monsois je suis ce jour anéanti par cette nouvelle, on a rasé '' notre petit fort ''  et tous nos souvenirs avec !

" J'ai 72 ans et il y a 3 ou 4 ans, avec un copain de mon âge, me fiant à l'allée de grands arbres j'avais retrouvé le tertre sous lequel, manifestement, se cachait le terrain d'aventure privilégié de notre jeunesse.

Suite à l'article paru dans La Voix du Nord en décembre dernier j'étais allé sur le terrain pour constater qu'effectivement ma mémoire ne m'avait pas trompé mais confiant dans les capacités de la municipalité à préserver son patrimoine. "

Las, et il faudra bien le savoir : qui a faillit ?

" En attendant il me reste le souvenir de juillet 1958 quand une bande de copains de 18-19 ans conscients d'être à la croisée des chemins, la vie professionnelle ou étudiante pour les uns, familiale déjà pour d'autres, mais surtout pour tous la perspective de 28 mois d'armée et de séjour en Algérie, avait consacré un bel après-midi à la recherche de sa jeunesse dans cet endroit mythique. A la suite d'un bon pique-nique nous nous sommes dérisoirement dépensés dans une dernière partie de cache-cache puis, affalés dans l'herbe avons évoqué nos souvenirs. "

" Léon nous a bien fait rire en nous rappelant le jour où, nous avions une douzaine d'années, nous avons entrepris de nous glisser un à un dans le trou d'homme  qui chapeautait la voûte pour sauter à l'intérieur de l'ouvrage et que Georges, le petit gros de notre troupe, s'est retrouvé coincé agrippé à je ne sais quoi. A deux ou trois, en dessous, nous tirions sur ses jambes, il gueulait, il gueulait... Pas moyen de le décrocher, alors, par le dessus nous avons réussi à le débloquer et il est ressorti...en slip le bénouze accroché dans la saillie des briques ! "

" Plein de copains, connus ou inconnus, vous raconteront mille anecdotes vécus dans les fossés de notre  petit fort aussi en leur nom je vous fait part de notre tristesse car c'est un grand pan de notre enfance que l'on s'apprête a couler dans les fondations d'un ensemble immobilier, peut-être nécessaire, mais qu'avec un peu de bon sens et de concertation, l'on aurait pu intégrer au bénéfice du souvenir et de la reconnaissance des vieux monsois toujours fidèles au cadre de vie qu'ils auraient tant aimé voir sauvegardé. "

Une vue aérienne en 1947 de la batterie annexe sud


Ce zoom, d'une photo aérienne prise le 29 mai 1947, sur la batterie annexe sud, montre qu'elle semble plus intacte que la nord. Sa traverse-abri centrale est mieux visible et il y a une petite construction en dur dans l'angle est, juste au départ de l'aqueduc drainant les eaux usées vers Flers (métro Les Près actuel).


Une vue de la batterie annexe nord, connue des monsois sous le nom de petit fort


Avant-Après 
Le " Petit Fort " vu de la rue du Béarn


Un article d'Alain Cadet paru dans La Voix du Nord, édition de Villeneuve d'Ascq le lundi 14 novembre 2022.

Le « Petit Fort » vu de la rue du Béarn  

 

Soixante ans, une vie, une éternité. En quelques décennies, Mons a changé plusieurs fois de visage.


Avant. 



Cette photo en noir et blanc date du milieu des années 1960, probablement lorsque l’immeuble de cette rue du Béarn était en fin de construction. Nous sommes au niveau de l’entrée nº 6. 


Le paysage photographié est très détaillé avec un étagement net des plans. À droite, on voit l’extrémité de ce même immeuble en forme de « manivelle » et, à gauche, un autre bâtiment qui longe la rue de Gascogne.


Dans la trouée, bien dégagée, on voit d’abord la batterie annexe-nord appelée localement « Petit Fort », puis le cimetière conquis sur l’emprise du Fort Macdonald, le central téléphonique nouvellement construit et, enfin, un paysage rural en cours d’urbanisation.


Après. 



Aujourd’hui, en 2022, du même endroit, on retrouve les deux immeubles de la photo précédente. Ils ont été repeints et décorés mais n’ont guère changé.


Des arbres ont été plantés pour transformer l’ancien terrain vague en parc paysager. Ils ont bien poussé. On a du mal à imaginer ce qui se trouve derrière.


À leur gauche, on voit quand même l’amorce d’un immeuble d’un nouveau lotissement.


Ce programme a été construit en 2011 et couvre désormais toute la zone du « Petit Fort ». Le fortin de briques se trouvait au niveau de l’actuelle rue Paul-Milliez.


Plus loin, se trouvent toujours le cimetière, puis le central téléphonique. Malheureusement, avec cette végétation abondante, on ne peut rien distinguer pour le moment.


Peut-être, cet hiver, lorsque toutes les feuilles seront tombées, aurons-nous une meilleure chance ?

A. C. (CLP)