Un Fort du système de défense Séré de Rivières

Construit en deux années seulement, de 1878 à 1880, le Fort de Mons-en-Barœul fait partie du système de défense élaboré par le général Séré de Rivières suite à la défaite de 1870. Devenu inutile suite à la mise au point de nouveaux explosifs 5 ans seulement après sa réalisation, il sera toutefois le siège d'unités de transmission, dont la plus étonnante sera celle d'une section colombophile avant de servir durant la guerre d'Indochine. Entre temps il aura connu des périodes d'occupation allemande à chacune des deux guerres mondiales, après avoir été déclassé 48 heures avant la déclaration de la première ! Resté intact, car non bétonné comme beaucoup d'autres fortifications, et magnifiquement remis en valeur avec un centre socio-culturel, c'est un exemple unique qui présente un intérêt architectural, historique et patrimonial exceptionnel.

Une interview de Gérard David

L'architecte Gérard David : 

" On ne préserve pas assez le patrimoine bâti "


Un article paru dans La Voix du Nord le 15 février 1980



Dans notre édition de mardi nous présentions les trois projets d’aménagement du Fort soumis au concours d’architecte et que les élus ont jugé hier soir en conseil municipal nous avions entre-temps rencontré Monsieur Gérard David architecte à Lille - et dont le projet chuchotait-on dans les couloirs de l’hôtel de ville avait le plus de chance d’être retenu - qui nous a fort aimablement reçu dans son cabinet et nous a présenté les grandes lignes de sa recherche sur le Fort nous vous présentons donc en avant-première et en exclusivité ses réflexions.



Jean-Yves Méreau (JYM) a recueilli l'avis de l'architecte Gérard David (GD)

JYM : Certains disent qu'il n'y a pas eu beaucoup d'imagination dans les projets présentés. Pourquoi ?

GD : On demande toujours à l'architecte de faire œuvre originale mais ici, il ne fallait pas innover mais respecter au mieux l'architecture actuelle et en tirer le meilleur parti pour la mettre en valeur. Nous avions là un cadre intéressant : toutes ces voûtes de briques sont belles.

JYM : L'on reproche à votre projet de dépasser la fourchette budgétaire et de faire la place trop belle à des matériaux luxueux. Pourquoi ?

GD : Dans ce cadre architectural, il importait de mettre en valeur le matériau, la brique partout présente et de faire sentir en même temps la puissance de l'architecture de voûte. Toutes celles-ci seront sablées et il s'en dégagera un effet fort agréable. Mais il importait aussi de réchauffer l'ensemble, c'est pourquoi j'ai choisi de mettre au sol des parquets et de masquer le bas des murs de lambris. On peut évidemment rogner sur ces dépenses mais ce serait dommage.

JYM : Vous ne couvrez pas la cour ?

GD : A mes premières visites du fort, j'ai bien pensé également à cette solution, mais comme on nous avait demandé de tout faire pour déjouer le vandalisme, j'y ai bien vite renoncé. D'autre part dans mon parti de respecter et mettre au mieux en valeur l'architecture des bâtiments, cela eut été contradictoire. Par contre je l'ai pavée de grès d'Artois qui dessinent une rosace afin de rendre agréable ce lieu de passage et d'en faire un lieu de rencontre agréable. Là aussi ce serait dommage de l'abandonner.
Deux pôles : la bibliothèque et le foyer-bar.

JYM : Oui, mais le mur aveugle ?

GD : D'abord, il est normal de mettre les réserves dans les salles les plus sombres, mais d'autre part, toute la façade du rez-de-chaussée-de-chaussée est fort abîmée. Seules deux travées sont en place, toutes les autres sont à reconstituer. Il est donc tout aussi intéressant de tendre un mur-paravent devant ce délabrement, mur dans lequel on peut jouer avec les rythmes et aboutir à un résultat aussi agréable. J'ai cherché dans mes ouvertures à créer également ce rythme et je pense que l'ensemble ne sera pas morne.

JYM : Le bar café-théâtre présente une particularité originale. Qu'est-ce qui a guidé votre recherche ?

GD : Deux directions ont été à la base de ce projet : il fallait que la scène soit visible de partout et au centre de l'action mais aussi que soient préservées des zones d'activités différenciées. En perçant ces murs de plus d'un mètre d'épaisseur, et en plaçant la scène ronde dans l'ouverture, je crée un centre d'attraction visible de partout et d'où les animateurs peuvent intervenir dans toutes les directions. En utilisant les deux petites salles de l'autre côté du couloir intégré et relié lui aussi à l'ensemble, je peux créer deux autres zones où l'on profite de l'ambiance du café-théâtre tout en se trouvant dans un coin écarté où l'on peut discuter paisiblement, au coin du feu.

JYM : Quel est l'intérêt de ces concours et combien cela demande-t-il de travail et d'investissement ?

GD : Je pense qu'ici les 3 architectes seront indemnisés mais souvent ce n'est pas le cas. Par contre, non seulement la loi oblige maintenant les communes à passer par le système du concours, mais c'est aussi le seul moyen de se faire connaître car le marché de la maison individuelle est pratiquement inaccessible. 
Toutefois cela demande beaucoup de travail, sans jamais être sûr du résultat. Ainsi ce dossier représente un mois de travail et de nombreuses visites sur le chantier. Et encore, dans ce projet, les premières études avaient été dégrossies par l'atelier d'urbanisme et d'architecture de la mairie de Lille.

JYM : Une dernière question, M. David ; parlez-nous un peu de vous ?

GD : J'ai maintenant 50 ans et j'ai fait mes premières études à l'école d'architecture de Lille avant de partir à Paris où j'ai travaillé dans le cabinet Leconte. Toutefois, je ne suis installé que depuis quatre ans car je suis resté quinze ans dans un cabinet d'architecte. C'est pourquoi je participe à ces concours quand le sujet est intéressant car j'ai besoin de me faire connaître. C'est dur quand on n'a pas de relations.

JYM : Quelles sont vos principales réalisations ?

GD : J'ai dessiné la salle des fêtes de Saint-André, récemment inaugurée, la sous-préfecture de Douai en collaboration avec un architecte douaisien et je travaille maintenant à une école maternelle à Lille dans le quartier des Dondaines.