Un Fort du système de défense Séré de Rivières

Construit en deux années seulement, de 1878 à 1880, le Fort de Mons-en-Barœul fait partie du système de défense élaboré par le général Séré de Rivières suite à la défaite de 1870. Devenu inutile suite à la mise au point de nouveaux explosifs 5 ans seulement après sa réalisation, il sera toutefois le siège d'unités de transmission, dont la plus étonnante sera celle d'une section colombophile avant de servir durant la guerre d'Indochine. Entre temps il aura connu des périodes d'occupation allemande à chacune des deux guerres mondiales, après avoir été déclassé 48 heures avant la déclaration de la première ! Resté intact, car non bétonné comme beaucoup d'autres fortifications, et magnifiquement remis en valeur avec un centre socio-culturel, c'est un exemple unique qui présente un intérêt architectural, historique et patrimonial exceptionnel.

Images croisées du Fort Macdonald

1914  - 2014

Cent ans séparent ces deux photographies prises au même endroit, le regard dans la direction du nord. On aperçoit les fossés du Fort, pris en enfilade et en vue  légèrement latérale. Mis à part la forme générale, le mur en arceaux (à gauche), le pont devant l’entrée, presque tout est désormais différent. Le rideau d’arbres qui entourait la construction et séparait le domaine civil du domaine militaire a disparu, remplacé par des parkings ou des habitations. En revanche, la nature s’est invitée partout : sur les bords, sur les pentes et même sur le toit de l’édifice.



La photo du haut, datant de la première guerre mondiale, nous fournit beaucoup de renseignements sur le bâtiment d’origine. À gauche, il s’agit d’un mur à « arcs de décharge ». La succession d’éléments voûtés donnait une grande solidité à cette construction (qui d’ailleurs n’a pas bougé depuis 1880). Dans l’éventualité d’une poussée de terrain ou d’un tir ennemi, la partie endommagée restait circonscrite à un ou deux arcs. La faible masse des éboulis ne permettait pas le franchissement du fossé en cas d’assaut. Accessoirement, dans le cas d’un siège faisant des victimes parmi les défenseurs, le renfoncement protégé par chaque arceau pouvait servir à abriter des sépultures provisoires, ce qui permettait de laisser l’axe du tir dégagé.

À droite, c’est tout le contraire, le mur est le plus rudimentaire possible. Il est dit à « terre coulante ». C’est une simple pente de terre dans une proportion de deux tiers (le meilleur rapport contre les éboulements). Elle est simplement maintenue par la végétation. Au-dessous de ce monticule se trouvaient des magasins, actuellement occupés par le bureau d’Histo-Mons et les salles d’instruments à cordes du Conservatoire communal. À la base de cette paroi en pente, on avait installé une haute grille en fer (de couleur noire). Elle rendait le franchissement de ce mur oblique, malaisé pour l’assaillant. La paroi à « terre coulante » était d’un prix de revient sensiblement  inférieur à celle d’en face en arceaux de maçonnerie ! 

Au-delà du pont, on distingue une construction de briques avec deux meurtrières permettant le tir. C’est la batterie de flanquement (côté nord). Celle-ci est masquée par des arbres mais la batterie symétrique (côté sud) est parfaitement visible. On y installait, balayant l’axe du fossé, un canon revolver de 12 mm (ancêtre de la mitrailleuse) et un canon de 40 mm capables de déblayer le terrain. Ces deux pièces prenaient le fossé en enfilade.

Comme on le voit, le fort Macdonald, à l’instar des autres forts Serré de Rivières, était bien défendu. Ce qui n’empêche, qu’au moment où cette photo a été prise, il était occupé par l’armée allemande. L’invention de nouvelles armes, les obus torpille à la mélinite (un explosif  dérivé de la nitroglycérine) avait rendu ce genre d’ouvrage indéfendable face à une artillerie moderne. On pense que c’est le même photographe venu de Dresde, identifié sur d’autres photos du Fort, découvertes récemment, qui est l’auteur de cette image. 

© Alain Cadet, La Voix du Nord. Illustrations Guy Selosse et Jacques Desbarbieux. Reproduction interdite sans autorisation.