Entre guerre et paix, les vies héroïques du fort de Seclin
Le fort de Seclin n’a pas connu une carrière militaire très
riche... Mais il a eu une vie mouvementée. Aujourd’hui, on peut visiter
l’ensemble des éléments du fort, y compris les caponnières.
Né sur les décombres de la défaite de la guerre
franco-prussienne de 1870, le fort de Seclin est aujourd’hui le fort d’époque
le mieux conservé de la métropole lilloise. Il abrite également l’une des plus
belles collections privées consacrées à la Première Guerre mondiale. Une visite
s’impose.
Les architectes le savent bien : la vie d’un bâtiment au
travers des méandres de l’histoire ressemble rarement à l’idée que s’en
faisaient ses concepteurs. Le fort Duhoux, plus connu sous le nom de fort de
Seclin ; en est un exemple spectaculaire. Pourtant, s’il est des lieux qui se
prêtent a priori assez peu aux utilisations folkloriques, ce sont bien les
ouvrages militaires. Lorsque l’architecte militaire Seré-de-Rivière décide
d’implanter un fort au milieu de la vaste plaine du Mélantois (le fort s’étend
sur une emprise de 14 hectares depuis son origine), c’est bien dans l’idée d’en
faire un maillon essentiel de la défense de la région lilloise. Le fort est
conçu pour accueillir jusqu’à 800 soldats, et résister à un siège de plusieurs
mois...
Prison, hôpital militaire, camp de naturistes, salle
paroissiale, squat puis musée...
Mais lorsque la Première Guerre mondiale éclate, en 1914, le
fort est déjà obsolète au regard des progrès de l’armement. Il devient un lieu
de rendez-vous pour les bataillons formés à la hâte pour monter au front. Le
49e BCP (bataillon de chasseurs à pied) y est créé, équipé et armé du 2 au 10
août 1914, avant de partir pour le front. La suite est moins glorieuse : à
l’automne 1914, le fort est récupéré par les Allemands qui s’y installent. Ils
en garderont le contrôle jusqu’en octobre 1918, et l’avancée irrésistible des
troupes britanniques. Ces derniers feront d’ailleurs du fort un hôpital
militaire jusqu’en 1921.
Une fois revenu dans le giron de l’armée française, le fort
ne sert plus qu’occasionnellement comme terrain de manœuvre. Mais d’autres
destinées l’attendent : en 1932, le premier club naturiste de France y est créé
par Christiane et Albert Lecocq. Une activité pacifique rapidement balayée par
l’arrivée de la Seconde Guerre mondiale. Dès 1940, les Allemands reprennent
possession des lieux, et y installent une prison militaire. C’est là que seront
fusillés 69 des résistants et otages ascquois raflés durant l’été 1944. Une
stèle commémore ce triste souvenir.
Après guerre, le fort sert d’abord d’annexe à la prison de
Loos, avant d’accueillir l’aumônerie de la prison, puis carrément une paroisse,
initiée par le cardinal Liénart. Baptêmes, communions et mariages y sont célébrés...
Dans les années 60, l’armée reprend la main, très provisoirement, pour stocker
dans les caponnières des munitions hors service. Au début des années 70, le
fort est abandonné pour de bon, squatté, puis cédé à la ville de Seclin... qui
n’avait rien demandé.
Le tournant décisif intervient en 1996, lorsque la famille
Boniface, une « tribu » de collectionneurs passionnés par tout ce qui concerne
la Première Guerre mondiale, reprend les rênes du site. Annick et Didier
Boniface, les parents, se mettent en tête de rendre son apparence d’origine au
fort, et d’y installer un musée présentant l’essentiel de leur collection de
pièces d’artillerie, d’infanterie et de cavalerie... Un musée ouvert depuis
2003 et qui présente ce qui est aujourd’hui considéré par les passionnés de la
guerre 14-18 comme l’une des plus importantes collections privées de France.
Avec passion, sans subvention
De par sa structure privée, le musée du fort de Seclin ne
rentre pas dans les « cases » des actions finançables par l’État dans le cadre
du centenaire de la Grande Guerre... Ce qui n’est pas sans agacer Didier
Boniface :
« Certains trucs sans intérêt ont reçu des milliers d’euros,
et nous rien, on doit se débrouiller tout seuls. »
Le prix (parfois un peu élevé) de la liberté. Le fort est
cependant reconnu par de nombreuses associations historiques qui y organisent
des manifestations et reconstitutions. Le musée recèle par ailleurs des pièces uniques.
Fort de Seclin, chemin du Fort à Seclin,
tél. 03 20 97 14 18.
www.fortseclin.com
Visites les samedis et dimanches, à 15 h. Réservation conseillée.